30 janvier 2007

Second Life : le pays virtuel

La notion de pays est associée à un territoire géographique et à une population évoluant dans un même environnement social, économique et culturel, avec un gouvernement commun, un corps de lois, et souvent un langage commun. L’idée de nation semble un peu différente ; en effet, toutes les nations n'ont pas leur propre territoire et il existe plusieurs exemples de peuples répartis sur plusieurs pays tout en possédant un héritage historique et culturel très marqué.

Internet fait exploser les frontières et réduit les distances. Mais, contrairement à ce qu'on pu écrire quelques mauvais prophètes, il semble loin d'effacer l'intégrité et la diversité culturelle des nations et des communautés. Au contraire, les représentants de ces communautés et de ces nations dispersées dans le monde ont trouvé dans Internet le moyen de renforcer leurs liens et leurs échanges afin de préserver et de renforcer leur identité.

Avec le développement d'Internet, le concept de "pays virtuel" ou de “nation virtuelle” a aussi fait son apparition. Ces “nations virtuelles” ont, semble-t-il, des formes et des objectifs extrêmement variés, depuis la simple satire humoristique (République Libre de Laputa) jusqu’à des essais de démocratie directe au plan mondial (Virtual Nation). Second Life n’est encore qu’un monde virtuel mais il pourrait constituer le “support” le plus abouti d’un (ou plusieurs) pays virtuel(s), parce qu’il "matérialise" ce concept sous la forme d’un territoire numérique (ressemblant par beaucoup d'aspects à notre espace physique) soumis à un même environnement économique et social. De plus, le rôle social, économique et culturel de Second Life prend chaque jour plus d’importance.

Au fond, un pays virtuel est un pays sans territoire réel et sans frontières, et le pays réel dans lequel les membres d’un pays virtuel résident devient une “terre d’accueil”. L’émergence des pays virtuels pose la question de leur légitimité mais aussi, à terme, celle de la légitimité des gouvernements actuels de nos pays réels. Ceux-ci ne pourraient-ils voir un jour leur autorité réduite à la simple gestion de territoires géographiques - "gouvernement de territoires" ou espèce d'hôtellerie au plan mondial - alors que l’ensemble des questions sociales, économiques et culturelles relatives aux personnes et aux communautés seraient du ressort d'un "gouvernement de personnes", c’est-à-dire du gouvernement d’un (ou plusieurs) pays virtuel(s) ?

Les armées sont impuissantes à envahir les pays virtuels car il n'y a pas d'armée capable de conquérir la connaissance. Et l’essentiel de la richesse d’aujourd’hui repose sur la capacité d’imagination et de réalisation des femmes et des hommes : créateurs, entreprises innovantes et organisations sociales.

Le jour où un pays virtuel sera admis à l’ONU ou signera son premier traité avec un pays réel, un changement important aura eu lieu. Il me semble que Second Life, en tant que monde virtuel à part entière développant sa propre économie, pourrait être un élément catalyseur de cette évolution.

Les personnes intéressées peuvent consulter l'article de "The DaVinci Institute" sur le sujet, ainsi que celui de Thomas Hylland Eriksen intitulé "Nations & Nationalism - Nations in Cyberspace".

2 commentaires:

Unknown a dit…

Rapidement, et à la suite de ton écrit sur le linden dollar, je me souviens qu' "
Une nation est une communauté humaine caractérisée par un territoire propre (le Grid), organisée en Etat.
Elle est la personne juridique constituée des personnes régies par une même constitution ( les Terms of Service).
Il y a aussi un système de valeurs, souvent résumé en une devise (L$) et qui repose sur un contrat social implicite entre les membres de la nation. Pour certains sociologues le seul critère déterminant est subjectif : il faut que les membres d'une communauté soient convaincus qu'ils relèvent d'une même appartenance nationale (résident de Second Life)."

Webster a dit…

"Les armées sont impuissantes à envahir les pays virtuels car il n'y a pas d'armée capable de conquérir la connaissance."

Superbe phrase wang.
Merci pour tes reflexions, elles sont justes et précieuses.